Dynatalgies
Le chef-d’œuvre avorté.
Devenir créatif. Quel vaste mot, quelle entreprise absurde ! Comme si la créativité se transmettait par injection ou se débloquait comme un niveau secret dans un jeu vidéo pour esthètes. Les manuels pullulent : « Libérez l’artiste en vous ! », « Dix techniques pour booster votre créativité avant le petit-déjeuner. », « Comment dégager du temps créatif aux WC ? ». Et pourtant, nous voilà, tous, assis dans notre salon Suédois, à griffonner les mêmes pensées vaguement mélancoliques sur des carnets d’écrivain en attendant le génie. Spoiler : il ne vient pas. Apprivoiser la gloire sur le coin d’une nappe…Y a-t-il une recette ? Un moyen infaillible de tout réussir ?
Bien sûr. Prenez un peu plus de trouble existentiel, une bonne grosse pincée d’angoisse postmoderne, ajoutez un zeste de sur-information et une bonne louche de doutes ontologiques. Mélangez le tout dans une solitude chic, filtre vintage appliqué. Vous obtenez l’artiste contemporain, mi-chaman, mi-market-analyst, qui questionne le monde avec un air pénétré tout en checkant les vues sur sa dernière story.
« Saint Pierre apôtre » – Peinture de Giovanni Francesco BARBIERI, dit IL GUERCINO (Le Guerchin) représentant l'apôtre Saint-Pierre tenant les clés du paradis, la tête tournée vers le ciel. Huile sur toile. Collection privée, France.
Faut-il suivre la mode ? Absolument. Impératif. Must. Puis trahir avec l’élégance du tueur en série provincial. La mode est à l’art ce que le sucre est à l’enfant : une dépendance précoce et irréversible à la roulette du dentiste. Mais à force de suivre l’air pollué du temps, on finit asthmatique, essoufflé par la cadence des tendances au diesel. Alors certains se réfugient dans la citation, le remix, l’ironie méta sur fond de néon rose : on appelle cela « appropriation critique » quand c’est réussi, plagiat fainéant quand ça l’est moins. Mais au fond, c'est exactement la même chose. Je vous laisse le choix du terme.
Mais pratiquer sans y penser, est-ce encore pratiquer ? Et penser sans pratiquer, est-ce encore vivre ? L’artiste doit-il se regarder créer ou créer pour ne plus se regarder ? On pourrait répondre comme Malraux, avec panache : « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ». Mais cela suppose que la vie soit encore, par elle-même, un tant soit peu intéressante. Si on a une vie de merde pauvre, je vous passe les détails de l’oeuvre en question. Alors on ressasse. On recompose. On cite De Vinci en peignant comme un Courbet parkinsonien, on met du glitch dans du Rembrandt et du yaourt dans nos Vermeer, on installe des objets trouvés dans un espace blanc en appelant cela une « expérience immersive ». L’œuvre n’est plus à faire : elle est à « updater ». Circulez, il n’y a rien à voir, il suffit d'y penser. Bienvenue dans le recyclage infini, où la créativité se vit en mode patch deux point zéro. L’artiste est devenu un curateur de ses propres influences, un archéologue narcissique de ce qui fut déjà vu mais pas encore recontextualisé avec assez d’ironie pour y croire. Nihil ex nihilo.
Et pendant ce temps, la dynatalgie — cette souffrance aiguë des possibles non advenus — nous ronge : tout aurait pu être, mais rien ne se fait vraiment. Parce que créer, aujourd’hui, c’est peut-être accepter de ne pas innover, mais simplement de dire autrement ce que d’autres ont mieux dit, avec l’élégance d’en rire. « Dynatalgie », un mot rare, presque clandestin, pour une douleur pourtant universelle chez les artistes et autres rêveurs professionnels mal payés pour l’être, trop payés pour l'avouer. Douleur discrète, feutrée, presque élégante : celle de l’œuvre non née. D’un avortement sans panache, caché des regards par la honte de ne pas réussir à faire ce pourquoi ils sont « faits ».
Car ils sont « faits » pour ça ces cinglés gens là ! Ils sont incapables de travailler à quelque chose de sérieux sans défaillir. La conception d’une station spatiale, le dernier missile sol sol à la mode, le logiciel pour compter les raisins de la grappe…Des nuls ! Ils y arrivent pas ! Vous vous rendez compte ma bonne dame ?
Mais ils y arrivent jamais ? Et bien, si, parfois, pas tout le temps, mais la satisfaction reste de courte durée, car ils sont « faits » pour ça. Êtres éternellement insatisfaits, d’eux mêmes et du monde qui les acceptent tels qu'ils sont, si ils changent de point de vue. Mal fagotés, tout émotionnés, sensibles comme des peluchades de petits chatons de trois semaines…Pauvres fous artistes ! Ils sont les laissés pour compte de la société malade qu’ils tentent tant bien que mal de représenter comme des patachons volants au dessus d’un nid de coucou…
– ℹ Intermède sérieusement sérieux
Concevoir un logiciel pour comptabiliser les fruits sur une grappe de raisins est un projet très intéressant qui combine traitement d’image (computer vision) et programmation logicielle. Voici une démarche claire et structurée pour concevoir un tel système indispensable à la production Française.
1/ Spécifications fonctionnelles
- Entrée : image ou vidéo d’une grappe de raisin.
- Sortie : nombre total de raisins détectés.
- Plateforme : application bureau, mobile, ou web ?
- Usage prévu : viticulture professionnelle, recherche, usage personnel (?).
- Performance attendue : précision, vitesse d’analyse, tolérance à l’erreur.
2/ Technologies à utiliser
Langage : Python (idéal pour prototypage rapide en vision par ordinateur).
Bibliothèques envisagées :
- OpenCV : traitement d’image.
- Scikit-image ou Pillow : traitements d’image complémentaires.
- PyTorch ou TensorFlow : pour l’IA si besoin d’un modèle d’apprentissage.
- LabelImg ou CVAT : annotation si entraînement d’un modèle est nécessaire.
3/ Pipeline de traitement d’image
a. Acquisition d’image
- Caméra fixe sur ligne de production, ou tracteur (?? contre-jour).
- Bon éclairage et fond contrasté améliorent la détection.
b. Prétraitement
- Conversion en niveaux de gris.
- Filtrage (ex. : flou gaussien pour réduire le bruit).
- Rehaussement des contours (Canny ou Sobel).
c. Segmentation
- Seuil adaptatif, ou
- Détection des contours, ou
- Méthodes de clustering (k-means), ou Réseaux de neurones pour détection d’objets (type YOLO ou Mask R-CNN).
d. Détection et comptage
- Identification des objets individuels (raisins).
- Suppression des doublons ou des zones fusionnées.
- Comptage automatique via la segmentation.
4/ Évaluation et ajustement
- Tester sur plusieurs grappes avec différents éclairages et angles.
- Mesurer le taux de précision et ajuster les paramètres ou entraîner un modèle.
import cv2
# Charger l’image
img = cv2.imread('grappe.jpg')
gray = cv2.cvtColor(img, cv2.COLOR_BGR2GRAY)
blurred = cv2.GaussianBlur(gray, (11, 11), 0)
edges = cv2.Canny(blurred, 30, 150)
# Détection des contours
contours, _ = cv2.findContours(edges.copy(), cv2.RETR_EXTERNAL, cv2.CHAIN_APPROX_SIMPLE)
raisin_count = len(contours)
# Affichage du résultat
for cnt in contours:
cv2.drawContours(img, [cnt], -1, (0, 255, 0), 2)
cv2.putText(img, f"Raisins comptés : {raisin_count}", (10, 30),
cv2.FONT_HERSHEY_SIMPLEX, 1, (255, 0, 0), 2)
cv2.imshow("Comptage de raisins", img)
cv2.waitKey(0)
cv2.destroyAllWindows()
Pour les raisins des îles, un autre logiciel de comptage spécifique sera nécessaire. CQFD.
– ℹ Vous pouvez reprendre votre gribouillage en cours
On ne parle pas de l’échec, non — bien trop bruyant et spectaculaire pour cette affliction. L'échec se serait si simple :
– « On a merdé chef ! On a tout raté ! »
– « C'est un bel échec ! » Dirions-nous.
Ça c'est beau l'échec. C'est bien Français en plus. On accepte la beauté de l'échec. Point. Marseillaise SVP !
La dynatalgie c'est la plus perverse des maladies de l'art. C'est l'ingérence étrangère ! Ça sent les passeurs et le bateau pneumatique troué au talon aiguille des futurs emmanché(e)s. C’est la morsure du « j’aurais pu », le vertige du « ce n’est pas encore le bon moment », la douce asphyxie du projet suspendu dans l’éther des intentions et le manque d’ambition d’un portefeuille aussi morne que la plaine de Waterloo sans les frites et la carbonnade consacrée.
C’est une maladie chronique de l’âme créative : on se réveille avec une idée géniale, incandescente, qu’on s’empresse de noter sur un coin de nappe ou dans une appli de notes. Puis le jour passe, la lumière change, et l’idée devient... moins que tout ce qu’elle pouvait potentiellement devenir. Moins brillante, moins urgente, moins soi. Le soir venu, elle a déjà l’odeur tiède du regret prématuré. Du fœtus mis à la poubelle des désirs de paternité.
« Tant pis, il sera rien plus tard, il existe plus mon gros désir. »
Le génie, croyait-on, se déclenche par magie : une révélation, une transe, une nuit d’ivresse productive. Las droguas ! Mais le génie, en vérité, demande une discipline militaire et une foi aveugle. Or, le créateur contemporain est trop lucide. Il voit toutes les versions de son idée — la mauvaise, la moyenne, la potentiellement géniale — et cette multiplicité le paralyse. Il souffre d’un trop-plein de possibles, non d’un manque. Personne ne viendra me faire croire que c’est parce qu’il se lève à quatre heure du matin et se couche à vingt-trois heures avec un clairon coincé dans chaque oreille, qu’il est plus créatif que Dieu lui même au bout de sept jours à prendre de la dope. Même si revenant sur cette semaine de folie, il considérera que la modération est un concept autrement plus convaincant pour la santé de long terme. Habemus moderatio.
La dynatalgie, c’est l’angoisse de la version idéale qui ne sera jamais réalisée. C’est le deuil permanent d’une œuvre parfaite que l’on ne portera jamais à terme parce qu’on la veut trop belle, trop pure, trop juste. Elle vit dans cette fracture entre le rêve et la main, entre la pensée et le faire. Et l’on préfère alors garder l’idée intacte, préservée dans le formol de notre esprit, plutôt que de l’exposer aux intempéries du réel. Certains appellent cela procrastination. D’autres, romantisme. Mais c’est surtout une manière de ne pas échouer. Tant qu’une œuvre n’est pas commencée, elle reste parfaite, immaculée, promise à tous les éloges. Le danger, ce n’est pas de rater, c’est de concrétiser quelque chose de terriblement imparfait — et de devoir vivre avec.
Alors on accumule les débuts, les projets, les titres sans contenu, les ébauches prometteuses. C’est une sorte de collection morbide, comme un musée des utérus stériles de l’imagination. Pouah !
Mais peut-être que la dynatalgie est une ruse de l’ego : une façon subtile de se croire toujours à la veille du chef-d’œuvre. On se dit : « Je ne crée pas, mais je pourrais. » Et ce conditionnel devient une armure brillante contre la médiocrité réelle de la société. Ainsi va l’artiste moderne : hanté non par ce qu’il a fait, mais par ce qu’il n’a pas osé faire vraiment. Ceci dit, parfois l’artiste fait bien de s’abstenir, parce que le mur de la honte se rapprocherait à la vitesse du projectile balistique serbo-croate. C’est tout à son honneur. Pas de tabous, pas de crédit sur le dos, pas de découvert en fin de mois. Éternelle capote « Nestor » : Je ne suis pas né, je ne suis pas mort. Il faut savoir économiser ses idées pour ne conserver que la substantifique moelle : Le bonheur d’être fier de son dernier gribouillage en date, qui finira dans une poubelle aux lettres d’or gravées : « Pour la postérité ».
Nota bene : J'aurais préféré ne pas faire ce que j'ai pourtant fait mais j'y ai réfléchi. Finalement, c'est pas si mal, j'en suis pas fier non plus mais ça reste passable quoi. Comme une bagnole hexagonale. C'est pas la mieux, mais c'est pas grave, on va dire que c'est la mieux quand même. En plus ils peuvent changer pièce par pièce…Donc c'est pas non plus complètement raté…Il faut juste se serrer la ceinture, et pis c'est tout…L'airbag, avant ça servait à rien. Y'en avait même pas ! Les cons gens qui pensent que leurs couronnes tressées d'or sont plus chères aux cœurs de leurs semblables ont seulement raison d'un point de vue comptable. Pouah !
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