Instincts mercantiles

Dialogue en souvenirs.

Il pousse la porte de la boutique, l’horloge de l’entrée marquant exactement l’heure. Ni une minute de retard, ni une minute d’avance. Il est là, prêt à décrocher l’emploi qui, il l’espère, pourrait être sa bouée de sauvetage dans une tempête intemporelle. Il s’est même mis à rêver de sa future vie de nabab, entre le café et la poire. La boutique est toute petite, mais elle le remplit d’espoirs. Du travail, juste en traversant la rue… Tout simplement parce qu’on n’embauche pas pour la distance ni pour la ponctualité, mais pour des miracles. Ça ressemble à du Jésus mais sans la toge et les sandales ! Hallelouia ! Om Mani Padme Hum ! Alhamdoulillah ! Mes biens chers frères, mes biens chères soeurs…Vous en avez à proposer ?

« Arrangement en gris et noir n°1 » - La mère de l'artiste, James Abbott McNeill Whistler, 1871
Paris, Musée d'Orsay. « Arrangement en gris et noir n°1 » – La mère de l'artiste, James Abbott McNeill Whistler, 1871, Musée d'Orsay, Paris, France.

– Bonjour, je viens pour l’annonce…»

– Ah oui, Bonjour, installez-vous, je vais changer de casquette.

– Oui, merci.

– Voilà, bon, vous venez pour le poste de vendeur de souvenirs c’est ça ?

– Ben oui, j’ai des références. Voilà mon CV.

– Humm, d’accord. Vous êtes fort ?

– Fort ? Ben je développe couché mais pas tous les jours, ça fait des crampes. Je suis dans la moyenne quoi. Pourquoi ?

– Parce qu’on recherche quelqu’un qui est capable de prendre ses responsabilités, il y aura de la logistique, de l’emballage, de la production en atelier, de la vente, de la comptabilité, du nettoyage, de la négociation fournisseurs, des opérations commerciales, du marketing, du benchmarking, de la réunion du lundi, du mardi, du mercredi, du jeudi et du vendredi, des ventes promotionnelles ponctuelles par demi-heure, de la prospection téléphonique, en présentiel, en caravane véhiculée, de la pose d’affiche 4x3, il faut répondre aux messages aussi, vous avez 15min pour le faire parce qu’après le client s’énerve, vous devrez vous laver, vous raser, couper vos cheveux, pas un poil qui dépasse, sourire tout le temps même au téléphone parce que ça s’entend, refaire la vitrine, défendre la marque partout, dans le métro, en vacances à l’étranger, même aux WC, mettre en place l’alarme et les pièges à loups le soir, changer l’eau des poissons, être joignable 24h/24, sept jours sur sept, bref c’est pas facile facile…

– Ah, ben je me rends compte que c’est un sacerdoce vendeur de souvenirs. Mais moi, je cherche juste un emploi.

– Parfait. Bonne réponse. Vous me plaisez un peu plus là ! Mais je me méfie des flatteurs !

– Je veux pas être prétentieux vous savez, mais j’ai tout ce qu’il faut pour être un bon commercial, je pense…

– Aïe aïe aïe ! L’erreur ! Vous pensez ! Arrêtez de penser ! Ça va vous faire rater des ventes ! Le con manque de clairvoyance !

– Ah ? Faut pas penser ?

– Surtout pas malheureux ! Vous n’êtes pas là pour ça ! Et puis ça rapporte rien de penser ! Il faut vendre !

– Bon j’y pense plus alors. J’veux être un bon commercial moi ! Je veux être fort.

– Fort ? Mais pour être un bon commercial monsieur, il faut être prêt à tout ! Même vendre votre mère !

– Maman ? Mais j’veux pas vendre maman moi, vous z’êtes dingue ou quoi ?

– Bon, alors vous serez nul en vente. Désolé.

– Ah bon ? Mais je veux réussir moi ! Mais elle vaudrait combien ? Faut que je l’arrange un peu ? C’est qu’elle est vieille maintenant…Je connais pas les prix du marché…Faut me laisser le temps d’étudier la question…

– Faut y croire pour croître monsieur ! Moi je me stimule, je teurne ovaire, je burne-outte moi monsieur ! Votre môman elle sucre les fraises et moi je les lui vends ! Le monde est ainsi fait !

– Mais elles sont du jardin nos fraises…Vous voulez que je vous en apporte ? Elles sont bonnes vous savez…

– On a pas l’temps. Laissez tomber les fraises, vous n’êtes pas à la hauteur de l’enjeu mon pauvre vieux et votre mère non plus…

– Maman, elle fait des bonnes confitures en plus. Mais c’est bien un poste pour vendre des portes-clés et des souvenirs de la Tour Eiffel, non ? Pas des sous-marins nucléaires ?

– La vente, ça mène à tout mon bon monsieur. Un jour vous vendez des chaussettes, un autre vous vendez des armes de destruction massive ! Nous on a pas de problèmes avec ça au magasin de souvenirs. On vends, c’est tout. Le SAV c’est pour les faibles ! Vous savez ce que c’est, la tartine retombe toujours sur le mauvais côté le matin…

– Vous z’êtes durs là quand même…ma pauvre mère…Elle vaut pas plus qu’un pot de confiture ? Mais vous avez vendu votre mère vous ?

– Oui. Sans hésiter. Elle servait plus à rien. Je l’ai bien négociée, elle est partie tout de suite.

– Mais ça vous a rien fait ? C’est votre maman quand même ?

– Rien du tout. Je ressens plus rien. Je suis blindé.

– Ben ça alors. Moi j’en chialerai je crois…Je l’aime bien maman. Bradée comme ça, après toutes ces années à vous aider et vous soutenir moralement ?

– Oui. Je ne le regrette pas. Je ferai sans doute pareil avec ma femme bientôt. Elle a seulement dix neuf ans, mais elle a vieilli précocement. Et puis quelle naïveté ! C’en est confondant ! Enfin bon, assez parlé de ma vie privée…

– Ah ben ça m’impressionne, vous êtes drôlement fort mentalement vous ! Moi j’aurais besoin de chirurgie psychiatrique après tout ça…ça m’aurait fichu un gros coup d’mou…vous êtes dur quand même…

– Et oui. On est durs parce que vous, vous êtes sans doute trop mou. Trop gentil. Vous êtes mouuuuuu, moumou du genou ! C’est bien simple, Vous êtes tellement mou que quand vous parlez vous dégoulinez…comme de la confiture !

– Je dég…mais c’est le stress ça ! Vous me faites stresser à mort là, vous vous rendez pas compte ou quoi ? C’est mauvais pour la santé en plus, je l’ai lu dans « Actual girl » magazine.

– « Actual girl » magazine hein ? Le magazine des femmes contemporaines wineuses ? Vous seriez pas un peu « Queer » des fois ?

– « Couir » ? Ben j’ai bien eu une moustache pour rigoler quand c’était mon anniversaire, mais je trouve ça lourd le cuir…et puis c’est cher. Ah, si, j’ai porté des chaussures en daim bleu quand c’était l’époque du rock n’roll, mais depuis l’temps, y’a prescription…

– Ah le veau ! Non, pas le cuir ! « Queer » ! Vous comprenez ? Vous sortez d’où là ?

– Vous êtes drôle vous ! Vous seriez pas Belge par hasard ? Parce qu’on dirait, vu comment vous prononcez « couir ». Essayez « houit » pour voir ?

– « Queer » ! Vous savez, là, ils défilent tous les ans, comme pour la fête des gauchos arc en ciel : Queer, homo, gay, lesbien, trans, et parfois tout ça à la fois ! Sans compter les religions…bref une vraie partouze partie fine ! Non, je ne suis pas Belge et il n’est pas « Queer » le monsieur. Bon. J'en prends bonne note. […]

– […] Ah ! « Kouireuh » ! J’avais pas compris ! Hahahah, elle est bonne celle-là ! Quand j’vais la raconter à maman ! Je vous aime bien vous, vous êtes un chic type !

– Écoutez, je vais être franc avec vous. Nous on cherche, la perle rare, le mouton à cinq pattes, avec une option pour la sixième en devenir. Dans votre cas c’est pas brillant, vous avez déjà vingt-cinq ans de trop par rapport aux nouveaux nés qui démarrent le biberon, vous avez un CV franchement incompréhensible et incohérent, vous ne voulez pas vendre votre mère, vous cultivez la fraise, portez la moustache à votre anniversaire et des chaussures en daim bleu, bref, c’est pas gagné mon p’tit monsieur !

– Bon, mais je suis courageux, je fais ce qu’on me demande, je rabroue pas, je fais amende honorable. J’ose rien du tout, j’obéis. Je suis demandeur moi !

– Demandeur ? Mais moi aussi ! Seulement, pas de vous. Je veux une bête qui parle six langues, major de HEC, avec un double cursus de polytechnique. Je veux un profil bien dans son époque, qui carbure au résultat et qui va faire décoller la fusée ! Vous ne correspondez pas vraiment à ce que je cherche, vous comprenez ?

– Ben oui. Mais vous cherchez bien un vendeur pour une boutique de souvenirs ?

– Exactement.

– Des souvenirs de la Tour Eiffel, des boules à neige, etc ?

– Tout à fait.

– Pfffiuuuu ! La barre est vachement haute maintenant ! J’suis foutu donc ?

– Je ne vous le fait pas dire.

– Il doit y en avoir de la demande alors…

– Mais oui ! Sans arrêt ! On a des commandes monstrueuses de Dubaï sans discontinuer…à croire que la neige leur manque…

– ℹ Intermède Rosebud

La gravité dans une boule à neige est la même que la gravité à la surface de la Terre, qui est d'environ 9,81 mètres par seconde carré (m/s²). Cependant, les particules dans une boule à neige tombent plus lentement en raison de la résistance du fluide dans lequel elles sont suspendues.

Si vous souhaitez calculer la vitesse de chute des particules dans une boule à neige, vous pouvez utiliser la loi de Stokes, qui décrit la vitesse de sédimentation des particules sphériques dans un fluide visqueux. La formule de Stokes est :

v = (2 / 9) × ((?p – ?f) × g × r2) / ?

Explication de chaque élément :

v : la vitesse de la particule qui tombe.

?p : la densité de la particule (combien elle est “lourde”).

?f : la densité du fluide (combien le fluide est “lourd”).

g : la gravité (comment la Terre attire la particule vers le bas).

r : le rayon de la particule (sa taille).

? : la viscosité du fluide (son “épaisseur” ou résistance à l'écoulement).

Vulgarisation :

Code python :

import math

def vitesse_sedimentation(rho_p, rho_f, g, r, mu):
    """
    Calcule la vitesse de sédimentation d'une particule sphérique dans un fluide visqueux.

    :param rho_p: densité de la particule (kg/m³)
    :param rho_f: densité du fluide (kg/m³)
    :param g: accélération due à la gravité (m/s²)
    :param r: rayon de la particule (m)
    :param mu: viscosité du fluide (Pa.s)
    :return: vitesse de sédimentation (m/s)
    """
    numerator = (rho_p - rho_f) * g * (r ** 2)
    denominator = mu
    v = (2 / 9) * (numerator / denominator)
    return v

# Exemple d'utilisation
rho_p = 2500  # densité de la particule en kg/m³
rho_f = 1000  # densité du fluide en kg/m³
g = 9.81      # accélération due à la gravité en m/s²
r = 0.001     # rayon de la particule en m
mu = 0.001    # viscosité du fluide en Pa.s

vitesse = vitesse_sedimentation(rho_p, rho_f, g, r, mu)
print(f"La vitesse de sédimentation est de {vitesse} m/s")

Vous pouvez insérer des valeurs spécifiques pour les différents paramètres dans la formule pour calculer la vitesse de chute des particules dans la boule à neige.

– ℹ Elles sont chouettes ces boules à neige, non ?

– C’est vrai qu’elles sont chouettes ces boules à neige ! Comment ça se fait que vous trouvez pas alors ?

– Et bien, les profils correspondent jamais ! Pourtant, on fait vraiment des efforts, on cherche aussi, c’est dur…

– Ah, c’est vrai, je vois tout le temps des annonces pour ce type de poste…

– C’est simple on est en croissance permanente ! On croît, on croît…on croît à l’infini…c’est dingue !

– Moi j’y crois aussi moi !

– Oui, mais non. […]

– Bon. Donc il y a des annonces tout le temps, parce que vous trouvez pas le mouton à cinq pattes, mais il y a qu’un seul poste à chaque fois…Donc c’est toujours le même poste, mais il y a toujours un nouvel employé quand je passe devant la boutique après le marché. Pourquoi ?

– Vous êtes un curieux vous. Écoutez, on embauche nous, mais ils tiennent pas le coup. Ils partent au bout d’une semaine parce qu’ils ont pas le niveau c’est tout.

– Mais c’est l’teurne ovaire permanent vot’ boutique là ! Vous devez souffrir de ça, non ?

– On souffre, on souffre, vous pouvez pas imaginer ! J’en dors plus la nuit…

– Vous dormez plus ? Mais faut vous faire traiter !

– Soigner, vous voulez dire soigner.

– Oui traiter, c’est bien ça. Mais avec votre belle voiture là, et vos beaux habits, ils veulent pas v’nir vend’ des boules à neige les moutons d’polytechnique ?

– Bon, écoutez, je n’ai pas le temps de vous expliquer quelque chose que vous ne pourriez pas comprendre de toute façon. Je ne vous raccompagne pas, la porte est derrière vous.

– Oui, c’est sûr, c’est tout p’tit ici. Attendez ! Je sais faire un tas de choses utiles pour vous aider, je suis blanc, je suis pas handicapé, ni sourd, ni muet, ni cul de jatte, ni retardé mental, ni violeur, ni voleur, ni juif, ni arabe, ni bouddhiste, ni même catholique ou extra-terrestre, je joue au football et je fais du djembé en amateur, je collectionne les majorettes, je cire les pompes, je me prosterne et tout et tout !

– Vous êtes blanc ? […] Ça ne se voit pas, je vous rassure. Bon, vous jouez au foot quand même ! Ça c’est l’esprit d’équipe, le challenge, la performance ! Ça nous fait un sujet de conversation en commun ! Parce que sinon, c’est vrai qu’on a rien à faire ensemble et pas grand chose à se dire hein ? On mélange pas les torchons et les serviettes…Dommage que je n’ai plus le temps de vous parler. Je vous rajouterais sur mon réseau social, comme ça j’aurais de vos nouvelles un peu moins souvent. Si vous faites la manche on organisera une cagnotte pour vous payer l’enterrement.

– Ah ça c’est gentil ! Parce que maintenant que je sais combien vaut maman, je vais devoir m’organiser…appeler le notaire, tout ça…

– Ben oui, on est gentils quand même ! On est pas des gens sans scrupules ! Allez, une bonne journée hein ! Et bon courage pour la vente de votre mère, vous savez, il y a toujours des gens prêt à payer pour ça !

– Oui merci, je lui dirai. Bon courage également dans votre recherche d’ovidés. Mes amitiés à votre futur ex-femme !

Nota bene : Ça valait bien un portrait c'est vrai. Quel « queer » ce Whistler ! Une vrai peau de bête pour résister à la morsure de la société artistique de son temps. Du salon des refusés à la consécration, un long chemin de croix. Et sa mère, une femme aimable et dévouée, grande sportive à ses heures, championne de rami du tournoi annuel de la salle communale. Grande tricoteuse parmi les espoirs d'une génération de brebis galeuses. Une vieille parque qui se balançait sur le rocking chair de la petite boutique de souvenirs qui lui tenait de lieu de vie. Un grand destin, ça ne tient qu'à un fil parfois…

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