Machins choses
Les marchands du temple.
Ah, TrucMuche, notre héros moderne, se retrouve encore une fois dans une situation des plus pathétiques. Figurez-vous que sa précieuse certification, fraîchement acquise, est déjà bonne pour la poubelle. Un an après avoir avalé les promesses dorées d'une formation miracle, le voilà confronté à la réalité crue : ses nouvelles compétences sont déjà dépassées. Bienvenue dans le monde merveilleux de la formation continue, où chaque diplôme est une monnaie qui se dévalue plus vite que le bitcoin en crise.
Ses collègues, tout aussi naïfs, se retrouvent dans le même bateau qui coule à pic. Le grand marché de la formation, ce cirque moderne où l'on vous vend du rêve à crédit, a encore frappé. Les promesses d'employabilité s'envolent plus vite qu'un tweet malavis. On vous aide juste assez pour vous faire croire que vous avez une chance, avant de passer au suivant. La constance ? Un mot qui fait rire les recruteurs. La loyauté ? Un concept dépassé. Dans ce monde impitoyable, vous n'êtes qu'un pion sur l'échiquier de l'entreprise en mouvement perpétuel.
« Le Christ chassant les marchands du temple », 1645-1655, Giovanni Benedetto Castiglione, huile sur toile, 100 x 124 cm, Musée du Louvre, Paris, France.
TrucMuche est fatigué, à bout de souffle. Fatigué de courir après des chimères, des promesses creuses et des rêves vendus à prix d'or. Il se souvient encore des beaux discours : “C'est la voie du futur, vous allez devenir indispensable dans un monde qui va toujours plus vite.” Quelques mois plus tard, ses compétences, acquises avec tant de sueur et de larmes, ne valent plus que le papier sur lequel elles sont imprimées. Les entreprises, toujours avides de nouveauté, exigent maintenant des “compétences de demain”, des outils de demain, des talents de demain. TrucMuche, lui, est déjà un has-been, un dinosaure dans un monde qui carbure à l'innovation.
“Nous étions jeunes, naïfs,” dit TrucMuche, avec un sourire amer. “On nous a promis des étoiles et on a récolté des poussières.” Il regrette amèrement cette époque où il a cru aux contes de fées des gourous du management. Il se souvient de ses nuits blanches, de ses projets ambitieux, de cette pression constante qui le rongeait de l'intérieur. Mais surtout, il se souvient de cette culpabilité, de cette petite voix qui lui murmurait qu'il n'était jamais assez bon, assez rapide, assez performant.
– ℹ Intermède « Orientation »
La survie dans une grande entreprise Française.
(Petite ou moyenne ça fonctionne aussi mais il faut appliquer un coefficient de réduction proportionnel à la racine carrée de l'hypoténuse).
Terrain hostile où la trigonométrie et le GPS deviennent des outils essentiels pour naviguer entre les écueils et les réorganisations incessantes. Adaptons donc ces techniques d'orientation à la jungle corporative, avec une pincée de démonstration mathématique.
Naviguer dans le labyrinthe des réunions : Une cartographie trigonométrique de la productivité.
Préambule : La trigonométrie est une branche des mathématiques qui étudie les relations entre les angles et les longueurs des côtés des triangles. Elle est particulièrement utile dans les triangles rectangles, mais elle peut également être appliquée à tous types de triangles et même à des formes plus complexes. On peut s'en servir pour calculer la hauteur d'un arbre sans y monter soit même avec son mètre ruban.
Maintenant, imaginons que vous êtes un employé dans une grande entreprise Française, noyé sous une pile de conneries réunions inutiles. Si on veut « naviguer » dans ce chaos, on pourrait appliquer un principe simple de trigonométrie.
Principe trigonométrique de base :
tan(?) = opposé / adjacent
Ici, l'angle ?(theta) représente la quantité de temps que vous perdez dans une tâche inutile. L'opposée serait votre niveau de frustration ou de “productivité perdue” (mesuré sur une échelle de 0 à 100, bien sûr).
L'adjacente serait le temps que vous passez à la réalisation de cette tâche, qui idéalement devrait être proportionnel à la valeur qu'elle vous apporte (sinon, vous êtes sur le chemin du burn-out, ce qui fait bien sur le CV en ce moment).
Démonstration :
Si l'angle d'inutilité est trop élevé (disons ?=60°, ce qui n’est pas rare), vous allez vite vous retrouver dans une situation où la productivité est proche de zéro. Et comme toute bonne trigonométrie, plus l’angle augmente, plus votre frustration devient exponentielle. Résultat : vous dérivez dans un océan de tâches non essentielles. Un tas de conneries tâches inutiles. Comme : Appeler des gens qui n'en ont rien à foutre cirer de vos produits, ou convaincre des abrutis clients d'acheter une chose sans intérêt ou bien encore de prendre un crédit sur leurs crottes excrétions de nez.
Ce qui vous fait dire bien souvent : « J'en ai rien à
fout'carrer ! »
Donc, si vous voulez survivre dans ce contexte, il vous faut garder l’angle faible (idéalement proche de zéro), ce qui veut dire sortir de ces réunions de lèches faux le plus rapidement possible ou, encore mieux, ne pas y participer du tout, sans peur du lendemain (De toutes façons vous serez viré un jour ou l'autre).
Trigonométrie : Calculer les angles politiques.
Dans une grande entreprise Française, savoir calculer les angles politiques est crucial. Imaginez que vous êtes au point A (votre bureau au deuxième) et que vous devez atteindre le point B (le bureau du PDG au cinquantième) pour une promotion hors canapé. Cependant, il y a des obstacles : stagiaires en café fainéants et incompétents, collègues jaloux et incompétents, managers réactionnaires et incompétents, et bien sûr les réorganisations entropiques imprévisibles de tous ces incompétents (sauf vous, bien entendu).
1/ Loi des Sinus :
Dans un triangle politique, les angles sont proportionnels aux influences. Si vous avez trois collègues (C1, C2, C3) avec des influences différentes, vous pouvez utiliser la loi des sinus pour déterminer la meilleure route à prendre. Si en plus, C# est du genre jolie pimbêche…ou beau gosse limité…vous pouvez joindre l'utile à l'agréable.
a / sin(A) = b / sin(B) = c / sin(C)Ici, a, b, c sont les distances politiques (influence), et A, B, C sont les angles de vos relations avec ces collègues.
2/ Loi des Cosinus :
Pour calculer la distance politique directe entre vous et le PDG, en tenant compte des alliances et des inimitiés.
c² = a² + b² - 2ab · cos(C)Où c est la distance politique directe, a et b sont les distances politiques via des intermédiaires, et C est l'angle de votre relation avec ces intermédiaires.
GPS corporatif : Navigation en quatre dimensions dans la hiérarchie pyramidale du plafond de verre.
1/ Positionnement :
Latitude : Votre position verticale dans la hiérarchie. Plus vous montez, plus votre latitude augmente (Tout est une question de latitude).
Longitude : Votre position horizontale, c'est-à-dire votre département ou service. Changer de longitude signifie changer de département, ce qui peut être aussi risqué que de traverser l'Atlantique en pédalo à réaction.
2/ Satellites :
Mentors et Alliances : Plus vous avez de mentors et d'alliances, plus votre position est précise et sécurisée : Entre le « Musculus gluteus maximus sinister » et le « Musculus gluteus maximus dexter » avec des lappements de « Lingua falsi clunium ».
Feedback en Temps Réel : Les signaux de vos satellites (mentors) vous donnent des informations en temps réel sur les dangers et les opportunités. Pensez aux verreries pour amadouer les autochtones.
Démonstration Mathématique :
Calcul de la Route Optimale d'un projet à un autre (de P1 à P2) en évitant les pièges politiques. Vous avez deux routes possibles :
Route Directe :
- Distance : d
- Risque : r
- Temps : t
Route Indirecte via un Allié :
- Distance : d1 + d2
- Risque : r1 + r2
- Temps : t1 + t2
Pour déterminer la meilleure route, vous pouvez utiliser une fonction de coût qui prend en compte la distance, le risque et le temps :
Coût = ? · d + ? · r + ? · t
Où alpha, beta, gamma sont des poids qui reflètent l'importance relative de la distance, du risque et du temps pour vous.
Route Directe : Coûtdirect = ? · d + ? · r + ? · t
Route Indirecte : Coûtindirect = ? · (d1 + d2) + ? · (r1 + r2) + ? · (t1 + t2)
Vous choisirez bien entendu la route avec le coût le plus bas pour vous. Comprendre : « Le chemin pavé de bonnes intentions le plus court. »
Cynisme corporatif
Dans cette jungle, la trigonométrie et le GPS ne sont que des outils pour survivre dans un environnement où les règles changent constamment. Les alliances d'aujourd'hui sont les pièges de demain, et les promotions sont souvent des leurres pour vous faire travailler plus dur encore. Mais avec un peu de calcul et beaucoup de cynisme, vous pouvez naviguer ces eaux troubles et, peut-être, atteindre le bureau du PDG à moins que la prochaine réorganisation ne vous envoie au chômage, à la déchéance et enfin, dans le meilleurs des mondes : L'au delà.
– ℹ Vous pouvez changer de voie, toutes mènent à Rome.
Aujourd'hui, TrucMuche enseigne la stratégie d'entreprise à des étudiants pleins d'espoir, persuadés que le succès est à portée de main. Il a du mal à leur vendre ce rêve, mais il le fait quand même. Après tout, il faut bien gagner sa croûte. Il leur donne les clés d'un système qu'il sait déjà pourri, les préparant à la désillusion qui les attend. Il sait qu'ils finiront, comme lui, par être jetés aux oubliettes, remplacés par la prochaine génération de pigeons prêts à se faire plumer. Mais tant que la machine tourne, il faut jouer le jeu. Parce que sans cette illusion, que resterait-il ? Un grand vide, une désolation sans nom.
Il pense à Günther Anders, ce philosophe qui a théorisé l'obsolescence de l'humain à l'ère des machines. Ce gentil juif philosophant avait compris que, dans notre époque contemporaine, l'homme est voué à se sentir dépassé par ses propres créations. La rapidité avec laquelle les technologies évoluent a créé un fossé entre l'homme et sa capacité à s'adapter. Le paradoxe, selon Anders, c'est que la machine, dans sa perfection, rend l'humain obsolète.
Et pourtant, cette évolution se fait dans une étrange indifférence, une accélération qui semble ignorer que les compétences humaines, contrairement aux gadgets technologiques, ne disparaissent pas instantanément. Elles s'estompent, oui, elles tombent parfois en désuétude, mais les bases restent. Les connaissances acquises, bien que reléguées aux archives d'un savoir “ancien”, n'ont rien perdu de leur solidité. Comme un Parthénon cognitif, elles résistent.
Dans ce monde, tout est question de performance, d'adaptabilité immédiate, de jeunesse et de flexibilité. Et pourtant, il en est sûr : les compétences ne disparaissent pas avec l'âge, elles vieillissent simplement, elles s'endorment, comme un muscle qu'on cesse de travailler. Elles ne se dégradent pas, elles attendent une opportunité qui ne viendra peut-être jamais. Mais l'économie de la formation, dans son vorace besoin de vendre des solutions à des problèmes fictifs faits pour rapporter du fric à ceux qui y ont réfléchi, a créé ce mythe : celui du « has-been », de celui qui a pris trop de temps à s'adapter, qui a raté « le dernier train de la technologie ». Le gros « nullos », le paria : Celui qu'il convient de clouer sur la croix de l'indifférence. Jésus reviens ! Car « on ne la fait pas à Jésus ».
TrucMuche, en arrêtant de se raser ce matin-là, a voulu signaler une forme de résistance. Son visage est devenu un miroir de cette réalité qui le dépasse, mais qui se refuse à y disparaître. Un geste simple, mais radical de rebelle du poil. Parce que dans un monde obsédé par la vitesse, la jeunesse et l'efficacité immédiate, il sait au fond de lui que les bases restent, même si la société veut les effacer à tout prix. Pas de fourrure, c'est la dictature. Alopécistes de tous poils !
Il repense à cette citation de Bartleby de Melville, qui résonne en lui avec une ironie cruelle : “I would prefer not to.” Parfois, il n'y a pas de choix autre que de se retirer face à l'absurdité du système. Mais dans cette retraite, il trouve aussi une forme de résistance. Une forme d'affirmation : il est là, avec ses compétences, son expérience, et peut-être même sa vieillesse, et il préfère ne pas participer à ce jeu-là. De toute façon, ça va repousser…
Dans son esprit, il imagine un monde où l'obsolescence programmée des compétences n'aurait pas cours, où l'on comprendrait que l'apprentissage est un processus continu, un long cheminement où chaque compétence s'ajoute à la précédente, où rien ne disparaît définitivement, mais où tout peut être réactivé, réutilisé, réincarné dans un autre cadre, dans un autre contexte. Mais pour cela, il faudrait que le monde change, qu'il accepte que le temps, loin de dévaloriser, fortifie (avec un peu plus de café, un nuage de lait et un sucre, SVP).
Et ça, TrucMuche en est convaincu : l'éducation n'est pas une perte de temps, l'honnêteté son pendant. L'employabilité est un mariage de raison économique sacrifié sur l'autel de la rentabilité. Le travail nous rendra tous libres. Mais en attendant, TrucMuche continue de subir le jeu des népotistes, avec un sourire amer et une pointe de cynisme. Parce que, après tout, il faut savoir s'orienter pour décoller face aux vents contraires d'un monde impitoyable même quand on a pas d'ailes pour voler dans la caisse.
Nota bene : Vous cherchez du boulot ? Mais vous n'aimez pas être emmerdé par les cons importuns ? Vous devriez peut-être faire ce métier alors ? Pas sûr, on est toujours le con l'importun de quelqu’un d’autre que soi.
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