{ø}

Podologies complexes.

Lycée de la Tourbelière, Nanterre-la-Napoule, France. Époque contemporaine. Nous sommes au mois de juin, il fait beau sous le nuage de gazole, ça sent bon fort les vacances…Sur leur feuille : un court passage sur une femme qui regarde une boîte à chaussures vide avec une intense émotion, sans mention d’auteur.

« Le semeur », Jean-François Millet, 1850, huile sur toile, 101,6 x 82,6 cm, Boston MFA, USA.

– « Alors, qui a compris ce texte ? » demanda Monsieur Hassanpour, les mains dans les poches, devant la classe de première L.

Kylian leva la main :

– « Clairement, c’est une métaphore de la société de consommation, elle a pu d’sous elle va devoir mendier ? »

?– « Ou alors, c’est une rupture amoureuse, dit Fatou. Genre la boîte, c’est son cœur, tu vois. Vide. Elle va devoir arrêter de venir en cours pour reconquérir son prince charmant… »

– « Moi je pense que c’est juste une boîte, intervint Idriss. Faut arrêter de tout sur-interpréter. Peut-être que l’auteur avait juste rien d’autre à écrire. Il bosse à temps partiel dans une usine de carton pâte et ça le fait gamberger un max ! »

?– « Franchement, c’est un peu nul, conclut Djamil. On dirait une pub mal écrite pour modiste de seconde zone. Vraiment, c’est pas intéressant, quand je vais en boîte je pars avant la fermeture, moi je mets ça dans la poubelle jaune ! »

Rires dans la classe. Un ou deux élèves mimèrent la scène : « Oh non, la boîte est vide… comme ma vie. » Explosion de gloussements.

Monsieur Hassanpour souriait. Il attendit que le calme revienne.

– « Bien. Maintenant que tout le monde a brillé par son talent d’interprétation... Je vous donne le contexte. Ce texte a été écrit par une autrice, Pamela A., une poétesse. Elle a écrit ce passage le jour où elle est retournée dans la maison de son enfance. La boîte contenait autrefois les lettres de son père, décédé. Quand elle l’a retrouvée vide, elle a compris que sa mère les avait probablement jetées par mégarde. Ce n’était pas une boîte, c’était en quelque sorte sa mémoire. »

[…] Un ange passe…

---

ℹ Intermède parpaing

– « Peut-on utiliser un parpaing pour ranger des lettres écrites par son père ? Même si celui-ci n'est pas maçon ? »

Géométriquement parlant :

Un parallélépipède rectangle tel que le parpaing est un solide à 6 faces rectangulaires opposées deux à deux, formant 8 sommets et 12 arêtes, avec des angles droits.

Donc que ce soit :

• une boîte à chaussures de dimensions a×b×c,
• ou un parpaing de dimensions a×b×c,

Les deux ont la même structure géométrique (forme, symétrie, formule de volume, etc.).

Les différences physiques proviennent d'autres facteurs :

1/ Les dimensions absolues

Même forme, mais échelles différentes :

• La boîte peut faire 30×20×10 cm
• Le parpaing peut faire 50×20×20 cm

? On peut dire que le parpaing est géométriquement homothétique (agrandi) par rapport à la boîte.

2/ Les matériaux

• Boîte : carton (souple, léger)
• Parpaing : béton (rigide, dense)

Même géométrie, mais propriétés mécaniques radicalement différentes.

3/ La structure interne

• Le parpaing est creux à l’intérieur, avec des alvéoles pour alléger la masse tout en gardant une bonne résistance.
• La boîte à chaussures est aussi creuse, mais ce n’est pas structurel : elle n’a pas de renforts internes.

Pour poser des bases claires, on choisit des dimensions et matériaux typiques :

Boîte à chaussures (carton)

• Dimensions moyennes : 30×20×10 cm
• Volume : V_boîte?=0,3×0,2×0,1=0,006 m³
• Masse estimée : environ 0,2 kg (selon le carton)
• Matériau : carton (masse volumique ~ 600 kg/m³)

Parpaing standard creux

• Dimensions typiques : 50×20×20 cm
• Volume total (externe) : V_parpaing?=0,5×0,2×0,2=0,02 m³
• Taux de vide moyen : ?40%
• Volume solide : V_solide?=0,02×0,6=0,012 m³
• Masse volumique du béton : ?2300 kg/m³
• Masse : m_parpaing?=2300×0,012=27,6 kg

Comparaison mathématique des volumes

V_boîte/?V_parpaing??=0,006/0,02??3,33

Le parpaing a un volume environ 3,33 fois plus grand que la boîte.

Comparaison des masses

m_boîte?/m_parpaing??=0,2/27,6?=138

Le parpaing est 138 fois plus lourd que la boîte à chaussures.

Résistance mécanique (compression)

La lettre ? (sigma en minuscule) représente généralement la contrainte dans un matériau, aussi appelée “stress” en anglais. La contrainte est une mesure de la force exercée par unité de surface et elle est définie par la formule :

? = F / A?

où :

• F est la force appliquée (en Newtons, N),
• A est l'aire de la surface sur laquelle la force est appliquée (en mètres carrés, m²).

La contrainte ? est exprimée en pascals (Pa), où 1 Pa=1 N/m².

Carton (boîte) :

• Résistance à la compression : 1 à 10 MPa (selon épaisseur et qualité)
• Déformation importante sous faible charge

Béton (parpaing) :

• Résistance à la compression : 15 à 30 MPa
• Peut supporter plusieurs tonnes

On peut estimer la charge critique que peut supporter chaque objet (ordre de grandeur) :

• Surface supérieure :

  • Parpaing : A=0,5×0,2=0,1 m²
  • Boîte : A=0,3×0,2=0,06 m²

• Charge de rupture :

  • Parpaing : ?=20 MPa?F=??A=20×10⁶×0,1=2×10⁶ N

Cela montre que la force F est calculée en multipliant la contrainte ? par l'aire A, ce qui donne une force de 2×10⁶ N (Newton).

• Boîte : ?=2 MPa?F=2×10⁶×0,06=1,2×10⁵ N

Cela montre que la force F est calculée à partir de la contrainte ? et de l'aire A, ce qui donne une force de 1,2×10⁵ N.

En théorie, un parpaing supporte plus de 16 fois plus de charge qu'une boîte de carton de même surface.

Conclusion physique et mathématique

• Le parpaing est un objet de grande densité, rigide et résistant, utilisé en construction.
• La boîte à chaussures est un contenant léger, souple et fragile, conçu pour le transport léger.
• Leur différence réside moins dans leur géométrie basique que dans leur nature matérielle, ce qui se traduit mathématiquement par des rapports massiques et mécaniques très déséquilibrés.

Sur le plan purement pratique (physique)

Un parpaing n’est pas conçu pour contenir des objets, même les bières vides de fin de journée :

• Il est lourd, rugueux, poreux, souvent poussiéreux.

• Il a des alvéoles (des vides) qui ne protègent pas de l’humidité ni de la lumière.

• Le béton absorbe l’eau et est abrasif, ce qui pourrait abîmer des lettres.

Donc, ce n’est pas un contenant adapté pour ranger et préserver des lettres — encore moins des lettres personnelles ou précieuses.

Mais peut-on symboliquement l’utiliser ?

Oui. Et là, la question devient littéraire et sensible.

Le parpaing peut symboliser :

• La solidité de l’héritage paternel,
• Le poids des souvenirs ou des mots non dits,
• Une fondation, une base sur laquelle se construit quelque chose (la mémoire, l’identité),
• Un objet de transmission, même si maladroit.

Même si son père n’était pas maçon, il a pu “bâtir” quelque chose avec ses mots, ses lettres — et choisir peut-être de donner un corps physique à cet héritage dans un objet de construction.

• Ranger des lettres dans un parpaing, c’est presque un geste artistique ou conceptuel.

• Cela pourrait être une installation ou un rituel personnel, pas une simple boîte d’archivage.

Pamela A. est donc bien trop conformiste, son personnage principal devrait se consoler rapidement en achetant un parpaing au magasin de matériaux pas loin de la rocade, pour l'offrir à ses propres enfants et qu'ils y rangent les lettres maternelles. Ce serait également plus difficile à jeter par mégarde. CQFD.

---

ℹ Vous pouvez maintenant supporter le poids de la culture

– « Alors… toujours envie de faire une pub pour un chausseur, même modiste ? » demanda Hassanpour avec un sourire.

Quelques rires nerveux. Djamil se gratta l’arrière du crâne. Fatou regardait fixement sa feuille. Kylian prenait la pose. Idriss relisait en cachette les pronostics du prochain match. Et Kevin ? Il ronflait presque.

– « Ce que vous venez de faire, dit le prof, c’est un sport plus populaire que le football : deviner ce que pense un auteur sans le connaître, ni lire vraiment ce qu’il a écrit. C’est un mélange de télépathie créative et de jugement hâtif. Très tendance sur Internet. »

Il marqua une pause.

– « L’esprit critique, ce n’est pas faire des blagues rapides ou détruire un texte en 5 secondes. Ça, c’est de la moquerie pure et simple. C’est facile, mais creux. L’esprit critique, c’est se dire : Et si je ne comprenais pas tout ? Et si je prenais deux minutes pour réfléchir ? C’est se poser des questions avant d’en rire. »

Il reprit son air léger au moment ou Kevin se réveillant brusquement, leva la main.

??– « Oui Kevin ? »??

– « Ben moi franchement Monsieur, j’ai pas compris du tout. Y’a juste plus de chaussures. C’est tout. Je l’aurais prise dans mes bras, et je lui aurais dit à Pamela : « T’inquiètes, je t’en achèteraient d’autres…».

– « Elle t’aurait peut-être trouvé moins fin là…».??

– « Oui, ben il est mort, il est mort là, il va pas revenir de je sais pas où pour lui redonner les lettres ! Y’a pas marqué la poste non plus… »

??– « Kevin a manifestement l’âme du vendeur de chaussures ou un beau-père facteur… Bien, reprenons. Je ne dis pas qu’on n’a pas le droit de rire. Au contraire ! Mais rire intelligemment, c’est plus exigeant. Ça demande un peu d’effort. C’est ça, faire de l’humour un art. De la boîte à chaussures vide une métaphore de la vie ! La nostalgie fétichiste de l’écrit où la voute plantaire dessine le plan d’une dissertation morale sur la prise d’appui. Elle s’appuyait sans doute sur ce père qu’elle n’a pas bien connu comme on vénère un dieu que l’on ne verra jamais. On idéalise sans véritablement conceptualiser le manque. »??

– « Fatou s’exclama : « Franchement Monsieur, faut consulter là ! »

Il regarda ses élèves, un sourire en coin.

– « J’y penserai Fatou, j’y penserai…Bon, vous me rendrez quand même un petit commentaire sur ce texte. Mais cette fois, essayez de trouver chaussures à votre pied, lisez l’auteur, pas juste ce qu'il y a sur la boîte…Oui Kevin ? »

– « Si vous voulez je peux demander à mon oncle le numéro de son psy, parce que ça lui a servi lors de sa dernière TS… Sa femme, Brigitte, elle est partie avec les gosses, le camping car, et toutes ses affaires…Il lui restait que les boîtes de chaussures vides à lui aussi…»??

– « Sa mère la pute Quelle mijaurée ! Il s'est barré aussi mais dans un aut'monde ton oncle ? »

– « Kylian ! Tiens-toi bien je te prie ! »

– « C'est pas ma faute m'sieur, son oncle il est sympa…»

Éclats de rires…

– « Kylian…Dernière fois… »

– « C'est pas sa faute monsieur, mon oncle il est vraiment sympa ! »

– « Merci Kevin ! Je me débrouillerai seul de ce côté là ne te fais pas de soucis. Mes salutations à ton oncle en espérant qu’il ira mieux prochainement. Surtout qu’ils comptent raboter le budget de la sécu alors…à la semaine prochaine pour le dernier cours ! »

Nota bene : Toute ressemblance avec un Lycée Français existant ou ayant existé…spéculations, bla bla bla, etc…La postérité ? À quoi servent donc les graines ? Et le budget de la sécu ? Et les maçons ? […] Mimine ? Tu as rangé où la boîte à chaussure avec les billets d'avion ? Je la trouve pas ! […] Dans mon…D'accord. On est dans la merde de beaux draps là ! Quoi ? […] On fait la paire…? C'est ça…continue de te foutre te moquer de ma gueule légèreté ! Ah, les vacances, c'est le pied ! Bien à vous…

#laboitevide #lepied #pamela #lesemeur #lesvacances

mastodon : https://ensemblevide.ynh.fr/@hello courriel : hello@ensemblevide.ynh.fr