Hygiène et société
Martine et la brosse à dents électrique.
Dans la société actuelle, l'hygiène bucco-dentaire est devenue une obsession. Les brosses à dents électriques dernier cri sont les symboles de statut, les objets de désir de tous. Cet objet de prime abord incongru, semble séduire les masses avides de gadgets dernier cri, moutons bêlants influencés à la vidéo de trente secondes, par des poupées maquillées comme des camions volés. Plus efficace, plus rapide, une sensation de confort et de frais en bouche. Refaire le plein de vie. Carrément.
Vendues entre cinquante et cinq cent euros, ces instruments d’hygiène bucco-dentaire faiseurs de rois et de reines, chantent leur doux «ronron», brossant dans le sens du poil, tels des sceptres aseptisés, mains de pouvoir sur l’autel du marketing avancé pour primate en mal de sensations (Il existe d’ailleurs la même version «ronron» pour des parties anatomiques autrement plus sensibles). Payer pour se faire enculer plaisir. Quel confort ! Les dents du bonheur ! Non ?
Saturne dévorant un de ses fils, également appelée Saturne dévorant son enfant ou simplement Saturne (en espagnol : « Saturno devorando a un hijo »), est une des Peintures noires de Francisco de Goya, peinte entre 1819 et 1823 directement sur les murs de sa maison appelée la Quinta del Sordo (« Maison de campagne du Sourd ») dans les environs de Madrid. La peinture a été transférée sur une toile après la mort de Goya, dimensions : 146 × 83 cm, est depuis exposée au Musée du Prado à Madrid.
Il était une fois une personne qui refusait de suivre la masse : François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval. « Appelez-moi FX », disait-il à ses amis pour leur épargner des salutations d’une longueur pompeuse et faire plus populaire. Son patronyme précieux ne le disposait pourtant pas à être un anti-conformiste primaire. Issue de la noblesse Angevine, cousin au troisième degré des rois de France, vivant dans une demeure luxueuse qu’en son temps on aurait appelée un château, il était pourtant doté de ce trait de caractère le rapprochant des clowns, comme désignaient les artistes ses nombreuses connaissances intéressées plus par son argent que par sa bonhommie.
En effet, François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval, dit « FX » était un homme simple, un bout-en-train, qui entre les parties de polo et les casinos bondés se contentait de sa vieille brosse à dents manuelle. Il la trouvait suffisante pour ses besoins, et il ne comprenait pas pourquoi les gens rêvaient de toutes ces fonctionnalités high-tech pour se brosser les dents. Les marques menaient un lobbying acharné pour vendre leurs produits, en les présentant comme des outils essentiels pour une bonne hygiène bucco-dentaire. Mais « FX » n'était pas dupe. Il savait que ces brosses à dents électriques étaient au fond, des gadgets certes utiles, mais bien conçus pour faire dépenser les gens. Oserait-on dire que ce gadget évitait le calvaire du détartrage aux dentistes bien payés par les lobbys pour s’occuper d’actes autrement plus rémunérateurs comme la poses d’implants, de bridges ou autres couronnes en céramique ? Non, bien sûr que non. François-xavier se moquait des publicités qui promettaient des dents blanches et des gencives saines, tout en ignorant les problèmes réels de santé bucco-dentaire comme tout un chacun. Le sourire était une chose autrement moins intéressante que les cours de la bourse.
Un jour, il reçut en visite annuelle de courtoisie dans sa propriété du Var, son dentiste, qui lui proposa de remplacer sa vieille brosse à dents manuelle par une nouvelle brosse à dents électrique. François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval refusa, en expliquant que sa brosse à dents actuelle lui suffisait. Le dentiste fut surpris, et il lui demanda pourquoi il ne voulait pas profiter des dernières technologies pour améliorer sa santé bucco-dentaire. Il y avait des brosses connectées, avec radio intégrée, téléphone, SMS, et même des détecteurs de radar pour ceux qui aimaient se brosser les dents en conduisant. Certaines d’ailleurs présentait un espace mignonnette avec une réserve de Château Lafitte 1945, un millésime mythique, souvent considéré comme l'un des meilleurs du XXe siècle. Quoi de mieux pour éviter l’eau minérale et convaincre un éventuel associé.
De toute sa noblesse, il lui répondit :
– « Je ne vois pas pourquoi j'aurais besoin d'une brosse à dents qui me parle, me donne des conseils et me fait des rapports détaillés. Je sais déjà comment me brosser les dents, et je n'ai pas besoin d'un gadget pour me le rappeler. De plus, le château Lafitte 1945 me donne des aigreurs, je ne bois que du Champagne. »
Le dentiste fut déconcerté, et il se demanda si François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval était vraiment sain d'esprit. Encore un réactionnaire conservateur sans vision d’avenir, un nobliau arriéré qu’on aurait pu guillotiner à la révolution. Que de sombres années de détartrages faudra t-il encore supporter avant d’enfin profiter de la retraite et de croquer la vie à pleine dents…« Pauvre de moi ! » Se dit-il à lui même…(Alors qu’en vérité, il n’était pas non plus si pauvre que ça. Le décile toujours le décile…).
– ℹ Intermède au barême progressif
Hypothèses de base :
- Espérance de vie : On part de l'âge de 6 ans jusqu'à 82 ans, soit 76 ans de brossage.
- Brossage quotidien : 2 brossages par jour, comme d'habitude.
- Coût d'une brosse manuelle : 3,50 € (remplacement tous les 3 mois).
- Coût d'une brosse électrique : 100 € (achat initial) et 8 € par brossette (remplacement tous les 3 mois).
- Inflation moyenne : 1,5 % par an.
- Coût de l'énergie pour la brosse électrique : Très négligeable, on la négligera ici car elle reste marginale.
Nous allons estimer les coûts sur toute la période, en prenant en compte l’inflation sur 76 ans de brossage.
Calculs pour la brosse manuelle :
Brosses manuelles :
- Chaque brosse coûte 3,50 €, et elle doit être remplacée tous les 3 mois, soit 4 brosses par an.
- Coût annuel initial (avant inflation) : 4 × 3,50 € = 14 € par an.
Maintenant, appliquons l'inflation de 1,5 % par an pour ajuster le coût des brosses manuelles.
- À la première année, le coût est de 14 €.
- À la deuxième année, il sera de 14 € × (1 + 0,015) = 14,21 €.
- Chaque année, le coût augmente de 1,5 %.
Le calcul des coûts cumulés sur 76 ans en appliquant l'inflation nécessite une approche de progression géométrique.
Coût total manuelle = Coût initial × (1 – (1 + inflation)^durée) / (1 – (1 + inflation))
Où :
- Coût initial = 14 € (coût initial annuel)
- Inflation = 1,5 % (soit 0,015)
- Durée = 76 ans
Coût total manuelle = 14 × (1 – (1 + 0,015)^76) / (1 – (1 + 0,015))
Calculs pour la brosse électrique :
Brosse à dents électrique :
- Coût initial de la brosse : 100 €.
- Coût des brossettes : 8 € par tête de brosse, à remplacer tous les 3 mois (4 têtes par an).
- Le coût annuel des têtes de brosse sans inflation : 4 × 8 € = 32 € par an.
Encore une fois, on applique l'inflation de 1,5 % par an au coût des brossettes.
- Le coût annuel des têtes de brosse augmente chaque année de 1,5 %.
Hypothèses avec le détartrage :
- Un détartrage professionnel coûte en moyenne entre 30 € et 100 € en France, mais prenons un prix moyen de 50 € par détartrage.
- Un détartrage est recommandé environ 1 à 2 fois par an, en fonction de l'hygiène bucco-dentaire et de la tendance au tartre. Pour être prudent, prenons 1 détartrage par an.
- Le coût des détartrages sera également soumis à l'inflation, donc on applique la même inflation de 1,5 % par an.
Calculs supplémentaires pour la brosse manuelle :
Le coût des détartrages va être un coût annuel récurrent qui augmente avec l'inflation. Nous allons maintenant intégrer cela dans le coût total de la brosse manuelle.
Méthode pour calculer ce coût en incluant les détartrages :
- Coût annuel du détartrage initial : 50 €
- Appliquer l'inflation à ce coût pendant 76 ans.
- Ajouter le coût du détartrage au calcul du coût de la brosse manuelle.
Faire les calculs pour obtenir le coût total ajusté. (Code python).
# Paramètres de base
inflation_rate = 0.015 # Inflation de 1,5% par an
years_of_brushing = 76 # Durée totale de brossage (de 6 à 82 ans)
# Coût initial de la brosse manuelle et de la brosse électrique
initial_cost_manual = 14 # Coût annuel initial pour la brosse manuelle (4 brosses à 3,5 €)
initial_cost_electric = 100 # Coût initial pour la brosse électrique
initial_cost_heads = 32 # Coût annuel des têtes pour la brosse électrique (4 têtes à 8 €)
# Coût initial d'un détartrage et inflation
initial_cost_scaling = 50 # Coût du détartrage initial
years_of_scaling = 76 # Durée totale pour les détartrages (76 ans)
# Formule (fonction) pour calculer la somme des coûts avec inflation
def total_cost_with_inflation(initial_cost, inflation_rate, years):
total_cost = 0
for year in range(1, years + 1):
total_cost += initial_cost * (1 + inflation_rate)**(year - 1)
return total_cost
# Calcul des coûts totaux pour chaque type de brosse
total_manual_cost = total_cost_with_inflation(initial_cost_manual, inflation_rate, years_of_brushing)
total_electric_cost = initial_cost_electric + total_cost_with_inflation(initial_cost_heads, inflation_rate, years_of_brushing)
# Calcul du coût total des détartrages sur 76 ans avec inflation
total_scaling_cost = total_cost_with_inflation(initial_cost_scaling, inflation_rate, years_of_scaling)
# Coût total pour la brosse manuelle avec détartrage
total_manual_cost_with_scaling = total_manual_cost + total_scaling_cost
print("Coût total brosse manuelle avec détartrages : ", total_manual_cost_with_scaling)
print("Coût total brosse électrique : ", total_electric_cost)
Voici les résultats actualisés après avoir ajouté le coût des détartrages pour la brosse manuelle :
- Coût total pour la brosse manuelle avec détartrages : environ 8961,75 € sur 76 ans.
- Coût total pour la brosse électrique : environ 4580,88 € sur 76 ans.
Conclusion
Avec l'ajout du coût des détartrages, la brosse manuelle devient encore plus coûteuse à long terme, avec un total de 8961,75 €. La brosse électrique, malgré son coût initial plus élevé, reste presque deux fois moins chère que la brosse manuelle en tenant compte des détartrages.
Ce que cela signifie :
- Brosse manuelle : Bien que son coût initial soit très bas, les détartrages fréquents et leur augmentation avec l'inflation font grimper le total à un niveau bien plus élevé.
- Brosse électrique : Même avec les brossettes à remplacer régulièrement et le coût initial, elle reste moins coûteuse sur une vie entière par rapport à la brosse manuelle avec détartrages.
Si l’on considère uniquement le coût global, la brosse électrique pourrait être une option plus économique à long terme, tout en offrant des avantages en matière de confort et de santé dentaire. Très concrètement ici, le détartrage vient impacter très fortement les résultats. Le détartrage reste donc la variable clé pour l'analyse, générant un effet de surprise non dénué de libéralisme. En effet, en France, c'est la sécurité sociale qui rembourse cet acte. Donc tous les Français. De là à refaire le calcul pour prouver l'inverse par humour du métier…
– ℹ Vous pouvez vous brosser, Martine
Enguerrand de Montfort-Laval ne se laissa pas démonter. Il continua à utiliser sa vieille brosse à dents manuelle, et il se moqua des gens qui achetaient des brosses à dents électriques à des prix exorbitants. Il savait que ces brosses à dents étaient juste des symboles de statut, et il était persuadé qu'elles ne servaient à rien pour améliorer la position sociale, encore moins la santé bucco-dentaire. Il était contre, sa famille était contre, ses amis étaient contre, ses douze chiens, ses chevaux, son majordome, son cuisinier, son jardinier, la bonne qu’il entreprenait parfois entre deux changement de draps en soie les jeudis après-midi sur les coups de quatorze heure trente…tous étaient contre ! Sauf les pauvres, et les dentistes qui eux ne l’étaient pas. Béotiens !
Tout irait bien. La vie continuerait son cours, comme un long fleuve tranquille. Les brosses à dent électriques ne seraient qu’une passade, une amourette d’un jour, et l’on oublierait bien vite cet obscur objet de désir pour la « paupérité ». Pourtant, un jour, François-Xavier reçut un colis anonyme. À l'intérieur, il trouva une brosse à dents électrique flambant neuve, accompagnée d'une note de disant : “Pour vous, cher François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval, rien de mieux qu’un gadget pour exposer notre amitié. Puissiez-vous enfin entrer dans le monde moderne. Votre admiratrice secrète, Zoubisous. » François-Xavier fut très intrigué, et il se demanda qui pouvait avoir envoyé ce colis. Pas Martine ? Pas la bonne tout de même ?
Il décida de démonter la brosse à dents pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur, en se faisant aider de son majordome. Et là, celui-ci découvrit bien trop tard un dispositif détonant composé d’une micro horloge électronique couplé à un processeur et un explosif puissant (probablement du C4). François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval fut choqué. Non par la mort de son majordome, dont les morceaux avaient tachés les tapisseries en vols paraboliques chaotiques. Non pas par le procédé inique, mais par ce mot d’une gentillesse confondante, à l’ironie littéraire avérée. Un subtil jeu de mot qui faisait du verbe « exposer » un Icare de la voltige parce qu’il lui manquait une consonne explosive. Qui pour avoir de tels sentiments à son égard ?
Une personne proche, dotée d’un intellect remarquable, au tempérament de feu, qui ne reculait devant aucune audace d’écriture et dont la finesse faisait jeu égal avec les pièges à loups…? Ce dont Martine était de toute manière incapable, criant chaque semaine comme une truie qu’on ne l’y reprendrait plus. Il se rendit soudain compte que les fabricants de brosses à dents électriques étaient prêts à tout pour éliminer les gens qui refusaient de suivre la mode de se conformer au moule de la prothèse dentaire. Peut-être était-ce un coup du « gang des dentistes » ? Ce groupuscule sévissait toujours malgré l’âpreté de la maréchaussée à faire cesser les épanchements sanglants de ces narco-trafiquants de la roulette à diamants.
François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval porta plainte contre les fabricants de brosses à dents électriques, et il devint un héros pour tous ceux qui refusaient de se laisser manipuler par la publicité et le marketing grâce à une campagne de communication savamment orchestrée. Il montra que la simplicité était la meilleure façon de vivre, et que les gens devaient se méfier des gadgets inutiles qui leur étaient proposés. Tel un Émir du Golfe, à grand renforts de pétro-dollars, il réussit à attirer à sa cause les parvenus de tout poils, dont le sourire s’était soudain effacé d’effroi face au prix de la vibration sonique des objets de plaisirs buccaux.
Après une enquête délicieuse, les autorités furent stupéfaites de découvrir que c’était le propre dentiste du noble Enguerrand qui avait monté cet assassinat. Ce fin manipulateur, torturant les âmes en mordant leurs défauts jusqu’au sang, ne s’était pas astreint à la retenue. Il avait foré lui-même la carie qui avait causée sa perte. Son mobile était simple, brillant comme les dents blanches émail diamant, lumières dans la nuit noire du crime : Le détartrage ! Corvée de boucher désormais devenue insupportable, il était passé à l’acte gratuit, lui qui s’était toujours fait payer. Un comble pour le prix d’une consultation remboursée par la bientôt séculaire sécurité sociale chère à nos coeurs ! Le bourreau des salles d’opérations plombé comme une molaire par les ennuis, termina sa misérable vie de mauvais besogneux pendu dans sa cellule avec du fil dentaire.
En fin de compte, de Montfort-Laval fut victorieux, il put continuer à utiliser sa vieille brosse à dents manuelle en toute tranquillité. Cette brosse qui avait appartenu à tous ces aïeux, dont la restauration coutait plus chère chaque année que le budget de la presque sécu-laire, armoiries au manche d’un chêne centenaire coupé jadis sur la propriété de Fontainebleau, sertie de diamants vingt-quatre carats et dont les poils de martre et de vison parachevait la haute destinée. Lui l’anticonformiste de château, avait prouvé que la simplicité était la sophistication suprême, et que les gens devaient se concentrer sur l'essentiel, la noblesse de l’âme, plutôt que de se laisser distraire par les gadgets inutiles de farfelus assassins.
La bourse était conquérante, les actions au plus haut. N’en possédait-il pas d’ailleurs quelques unes de l’industrie médicale et pharmaceutique ? Son gestionnaire de patrimoine n’avait pas de brosse à dent électrique, il était contre, il lui avait confirmé son soutien. Lèche-bottes. François-Xavier Enguerrand de Montfort-Laval s’en fichait des conventions, il était anti-conformiste modéré de centre extrême et il avait raison. Cela suffisait à sa gloire. Son biographe ne manquerait d’ailleurs pas de le souligner fort justement un jour : En « brossant » son portrait.
Nota bene : Lobbyste hein ? Pas sûr que ce soit la carrière dont j'ai toujours rêvé…Mes calculs ? Pas tout à faits exacts, sujets à débat…Parlons-en justement ! Ils vous diront que la sécurité sociale ne sert à rien, et que Martine, la bonne, peut pointer au chômage…Moi je l'aime bien Martine. Même des fois, on va ensemble à la plage…
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