La marche du monde

Le bon côté du bâton.

Marcher, c'est d'abord un acte de liberté. Chaque pas est une affirmation de notre autonomie, une décision consciente de se mouvoir dans l'espace et le temps. En marchant, nous traçons notre propre chemin, littéralement et métaphoriquement. Nous choisissons notre direction, notre rythme, et ainsi, nous créons notre propre parcours. Notre marche nordique, c’est sans neige à bas coûts…Alors pourquoi deux bâtons, de piques armés viendraient-ils nous aider à tenir debout, à marcher sans faillir, à tomber sans gloire, en détruisant le sol sous nos pas, la nature du bon goût ??

Prenons de la hauteur, sur les cimes de l'été, sur le sentiers des douaniers, marchons ! Et profitons. Oui, profitons de la vue. Et quelle vue ! En marchant, nous nous connectons à notre environnement. Que ce soit en ville ou en nature, chaque pas nous offre une nouvelle perspective, un nouveau détail à observer. Cette connexion sensorielle avec le monde qui nous entoure peut stimuler notre imagination et notre créativité. Les couleurs, les sons, les odeurs, tout cela devient une source d'inspiration.?

Le Voyageur contemplant une mer de nuages ou L’homme contemplant une mer de brume (en allemand : Der Wanderer über dem Nebelmeer) est un tableau du peintre romantique allemand Caspar David Friedrich, 1818, huile sur toile, 98 x 74 cm (38.5 x 29.1 in). Hamburger Kunsthalle.Le Voyageur contemplant une mer de nuages ou L’homme contemplant une mer de brume (en allemand : Der Wanderer über dem Nebelmeer) est un tableau du peintre romantique allemand Caspar David Friedrich, 1818, huile sur toile, 98 x 74 cm (38.5 x 29.1 in). Hamburger Kunsthalle.

Marcher, c'est aussi une manière de se reconnecter à soi-même. Dans notre société moderne, où le rythme est souvent effréné, prendre le temps de marcher peut être un acte de résistance. C'est une façon de ralentir, de se recentrer, et de redécouvrir le plaisir simple de se mouvoir. En marchant, nous créons un espace pour nous-mêmes, un moment de pause dans le tourbillon de la vie quotidienne.?

Mais, marcher ensemble, c'est créer des liens. Que ce soit avec des amis, des proches, ou même des inconnus, partager une marche peut être une expérience enrichissante. Les conversations s'engagent naturellement, les idées se croisent, et de nouvelles perspectives émergent. Marcher ensemble, c'est créer une communauté, même éphémère, basée sur le partage et l'échange.

Chaque pas est une opportunité de créer quelque chose de nouveau : une idée, une connexion, un moment de paix. C'est une invitation à voir la marche non pas comme une simple activité physique, mais comme un acte profondément créatif et enrichissant.

??Enfin marcher, c'est aussi une forme de méditation en mouvement. Le rythme régulier de nos pas peut apaiser l'esprit, permettant aux pensées de s'écouler librement. C'est dans ces moments de tranquillité que les idées les plus créatives peuvent émerger. Les grands penseurs et artistes ont souvent trouvé l'inspiration en marchant, laissant leurs pieds guider leur esprit vers de nouvelles découvertes. Jean Jacques Rousseau en son temps, parfois accompagné d’un bâton, surtout sur la fin de carrière…un simple bâton de bois, qui tenait plus de la canne, d’un soutien sans failles aux pensées d’un homme droit, les rêveries solitaires, celles qui ne font pas de mal.

Car il y a d'autres rêves éveillés qui se conjuguent mal avec le marché. Le marché ? Oui, le marché de bâtons. Ces extensions manuelles de la discorde, ces bouts d'alliage métallique sponsorisés par la naïveté civilisée, les nouveaux appendices de l'enfer ! Alors pour une fois, soyons du bon côté du bâton ! Marchons nordique, marchons civiques. À l'affut du soleil qui ne se couche jamais, prêts à tout pour voir les aurores boréales du Finistère aux Côtes d'Armor. Le Nord mi amor !

– « Mimine ? Où tu as mis les bâtons des marche ? Je les trouve pas ma chérie…»

– « À côté des outils près de l'établi ? Ah les voilà ! On peut y aller, on est peinards avec ça ! »

– « Tu en veux deux ? Un seul ne te suffit pas ? Non ? Ok. »

– « Moi j'en prends trois ou quatre au cas où j'en casse un. On sait jamais, l'aventure ne laisse pas de place à l'improvisation ! Et moi, je suis un aventurier qui ne tombe jamais de haut. »

– « Comment ça ? Ah, oui bon, excepté cette fois là, Mimine. Tu as raison. »

– « J'avais l'air d'un con olibrius avec le bâton planté dans mon cul arrière train…Ben oui. Mais je me suis pris les pieds dedans et après un soleil complet quand j'ai buté sur cette satanée pierre, j'ai quand même dévalé cent mètres de dénivelé… »

– « Heureusement, ils en ont vu d'autres au CHU de Grenoble… Mais c'est quand même le mien le plus beau, hein Mimine ? […]

– « T'es où ? T'es pas là ? […] T'es déjà à la voiture ? »

??Ah, la marche nordique ! Cette noble activité qui, chaque saison, voit fleurir sur nos sentiers des cohortes de marcheurs équipés de deux bâtons, aussi inutiles que sont les ailes du manchot au vol libre. Mais ne nous y trompons pas, ces bâtons ne sont pas là pour aider à la marche, non, ils sont les symboles triomphants d'une pensée défaillante, d'un esprit qui a cédé aux sirènes du marketing de la vieillesse triomphante.

Oh, comme ils sont beaux, ces marcheurs, avec leurs bâtons plantés dans le cul sol, stabilisant leur démarche chancelante ! Ils avancent, fiers et droits, convaincus que ces appendices de plastique et de métal leur confèrent une aura de sportifs accomplis. Mais qu'en est-il vraiment ? Ne sont-ils pas plutôt les victimes consentantes d'une industrie qui a su transformer la simplicité de la marche en un business florissant ?

Les chemins et sentiers de nos contrées sauvages, autrefois sanctuaires de la nature, sont désormais ravagés par ces processions de bâtons cliquetants. La nature, dans sa magnanimité, accueille ces intrus avec une patience infinie. Elle, qui a vu passer des générations d'hommes et de femmes, sait que la bêtise humaine est une constante, une force naturelle en quelque sorte.

Car oui, la bêtise humaine rend à la nature ses lettres de noblesse. Elle lui ressemble, elle est naturelle. Elle est le reflet de notre incapacité à vivre simplement, à apprécier la beauté d'une marche sans artifices. Nous avons besoin de bâtons, de gadgets, de tout un attirail pour nous sentir vivants, pour nous convaincre que nous maîtrisons notre environnement.

Mais la nature, elle, rit sous cape. Elle observe ces marcheurs nordiques avec un sourire en coin, sachant que, malgré tous leurs efforts, ils ne sont que des passagers éphémères sur cette Terre. Elle sait que, tôt ou tard, les bâtons seront oubliés, les sentiers retrouveront leur calme, et la marche redeviendra ce qu'elle a toujours été : une communion simple et authentique avec le monde qui nous entoure.??

En attendant, ils peuvent continuer à détruire ce qu'ils admirent tant, en se pavanant sur les réseaux pour montrer leurs exploits. Trois kilomètres, plus tard, le ventre bedonnant et le gros postérieur réclame sa dominicale pitance, ses frites à la graisse d’oie et le steak de cul de vache de boeuf nivernais à la cuisson saignante. La crêperie ne désemplit pas de ces abjects randonneurs suants dégoulinants gavés d’échappées belles et de géo magazines qui leur tartinent le cerveau à longueur d’année que la nature vaut son pesant de cacahuètes, comme on allait au zoo le siècle dernier, admirer les grands fauves avachis en fin de vie, grogner une dernière fois pour épater la galerie.??

Faire la gloriole du ski de fond, où la France excelle depuis tant d’années, pour finir par augmenter les ventes de bâtonnets en alu teinté avec pic et caoutchouc de l’empire Mulliez fabriqués par des stakhanovistes chinois décomplexés du capitalisme, merci ! Merci bien, même ! Où sont vos raquettes de l’aventure, enneigées, blanchies de tout soupçon d’ingérence marketing et vos peaux de bêtes qui protègent de la morsure du terrible blizzard quand l’hiver décide la torture de vos extrémités blafardes ? Hein ? Vous les avez rangées, dans une boite en carton, sur une étagère dans le garage et vous l’oubliez là votre chemin de croix, jusqu’au prochain passage qui déclarera les vacances dans les Alpes, à Font Romeu où que sais-je, le pèlerinage indispensable à vos rêves perdus.??

Rions ensemble, voulez-vous, de votre inconsistance, philosophes, de votre inconstance qui marque le pas, sauve de réflexions, sauf de votre génuflexion. Votre stabilité prime, votre âge est privilège, quand vous avez bossé toute votre vie, peut-importe les cortèges dont vous faites parti pris. Faisons-fi des belles choses, profitons sans décrépir, nous payons des impôts, alors les leçons remerciées ne seront que souvenirs d’un lointain passé, celui de votre jeunesse quand vous fûtes drogués à l’espoir, l’alégresse, d’êtres uniques satisfaits.

Oublions l’érosion du sol, vos lames sont des bâtons qui le perforent accélérant ainsi son érosion. La stabilité est un pendant de l’équilibre, celui que vous recherchez corps et âmes en troupeaux ressourcés, la stabilité des sols est pourtant moins sûre que votre démarche après votre passage ravinant raffiné. Si votre kiné vous l’a dit, c’est que c’est bon pour vous, pour vous faire durer, avant de crever, d’en venir à bout. Ce chemin était long mais il sera salvateur et Dieu vous accueillera sans nul doute au paradis des marcheurs.

Alors, marcheurs nordiques, continuez votre quête, brandissez vos bâtons avec fierté. La nature, dans sa sagesse, vous accueille avec bienveillance. Après tout, même la bêtise humaine a sa place dans l'ordre naturel des choses, n’en déplaise à Horace, à Brutus et consorts. Rien ne vous empêche, pas de police pour ça, pas d’idées malsaines, pas de salutations romaines quand on parle pas à pas. Vous nous faites chier marcher direz-vous…Ne vous y trompez pas, que l’on ne vous déjuge, de naissance à trépas, mais marcher c’est créer, nous ne vivons que pour ça.

Nota bene : Cet article est approuvé officieusement par la Fédération française de randonnée. Alors, gare à vos fesses ! Toute réactionnaire qu'est cette chronique de la vie ordinaire des chemins de notre douce contrée, rien ne vous empêche de marcher, de trébucher, tomber et vous relever. La nature s'en remettra. Ou pas.

– […] Tout de suite ! Attends moi ! J'arriiiive Mimine !

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