Utopies dorées
La pierre philosophale.
L'argent, cet objet aux multiples visages, se faufile entre nos mains comme un fluide insaisissable, une promesse et une malédiction à la fois. Dans le tumulte de nos sociétés modernes, il est à la fois la clé de toutes les portes et l'ancre qui nous lie aux ténèbres de l'avidité. Tout semble se mesurer en son nom, comme si le simple fait de le posséder suffisait à définir la valeur d’une vie. Il est le miroir dans lequel nous nous regardons, parfois admiratifs, parfois honteux. Il éclaire nos chemins d’un éclat froid, parfois aveuglant, parfois si faible qu’on en oublie qu’il existe. Enfin, pas tout à fait non plus, hein ? Parce qu'on aime ça l'argent, non ?
Ce que l’on oublie, souvent, c’est qu’à l’origine, l’argent n’était qu’un simple moyen d’échange, une idée collective pour faciliter nos relations. Aujourd’hui, il est devenu une fin en soi, une quête infinie, une course effrénée vers un idéal de consommation qui nous échappe. Nous courons, les yeux rivés sur des chiffres, des soldes, des bilans, des comptes en banque. Le temps devient une marchandise que l’on échange contre des miettes de plaisir ou des promesses de bonheur.
« L'Adoration du Veau d'or », Nicolas Poussin, 1633-1634, huile sur toile, 153,4 × 211,8 cm, conservée à la National Gallery, Londres, Angleterre.
L’argent transforme tout en valeur marchande. L’air que l’on respire, la terre qui nous nourrit, le corps que l’on habite. L’art, la culture, les relations humaines, tout se mesure, se négocie, se vend. L’amour même, parfois, semble avoir un prix, comme si le véritable capital était celui que l’on peut accumuler, dans une société où l’on oublie de regarder au-delà des chiffres. “Plus”, toujours plus, voilà le mantra qui rythme nos vies.
Pourtant, au fond, dans les interstices de ce système, une autre vérité à laquelle on voudrait bien croire subsiste. L’argent ne peut pas acheter la beauté du monde, ni la sincérité d’un sourire, ni la chaleur d’une main tendue. Il est impuissant face aux éclats d’émotions qui bouillonnent dans le cœur des êtres, face à ces instants où tout semble se suspendre, où l’on comprend que la richesse, en réalité, est dans l’expérience de la vie, dans la profondeur des liens humains, dans la liberté de rêver.
On voudrait y croire en effet. Parce que si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue fortement tout de même (Tous les damnés de la Terre m’applaudissent maintenant chaleureusement en secouant leurs chaines). La beauté est une pute illusion comme les autres, la sincérité est difficile à trouver dans une forêt de masques de carnaval, la chaleur des mains tendues traduit souvent le stress de l’instant, les éclats d’émotions la passion rasante des bas de plafond sans recul aux arènes du pain et des jeux, dans une série de visites comme autant d’odes à la différence in situ : « En terre inconnue ».
Ce qui ressort c’est surtout le déterminisme social et la différence de niveau de vie gommés l’espace d’un instant diffus. Dans la nature, les primates isolés sont bannis ou tués par le groupe, pour leur différence justement. Et s’ils ne sont pas tués, seuls, ils finissent par mourir accablés par l’hostilité de leurs semblables et les difficultés de la vie. De gentils singes, vivant de rapports sociaux. Pas d’argent. L’argent possède alors ce bénéfice incroyable qu’il permet d’acheter sa sociabilité à moindre coût (tous les suiveurs et « lèches-faux c… » vivant de vos miettes), ainsi que sa solitude quand elle devient nécessaire. Il aplanit les barrières et l’impossible car il transforme l’échange. Il est devenu la seule sociabilité moderne existante car tous nos rapports directs et indirects sont dirigés par lui.
L’argent, malgré tout ce qu’on peut prétendre, demeure un fantôme. Il nous hante, nous fascine, mais il est aussi terriblement éphémère. Lorsque tout est acheté, que reste-t-il vraiment ? Peut-être que, dans les brèches de cette société qui nous pousse à courir après des billets, il nous reste à redécouvrir la véritable richesse : celle qui se cache dans le simple, dans l’immatériel, dans ce qui ne se mesure pas…Et bien, pas sûr non plus. Corrompu par notre vision du monde nous serions poussés au suicide car moqués pour n’avoir pas su conserver une once de ce fragile pouvoir sonnant et trébuchant. Parce qu'on serait devenus nuls, on serait aussi devenus pauvres. Et inversement. Franchement, on a envie d'y croire.
Ainsi, l’argent, ce roi moderne, veau d'or transformé en taureau de wall-street continue de nous guider à sa manière chaque jour, nous faisant croire que ce n’est pas lui qui tient les rênes de nos vies, que la richesse est ailleurs, dans la simplicité et le renoncement. Peut-être qu'au fond, nous croyons avoir plus de pouvoir que nous ne le pensons : Le pouvoir de choisir ce qui, dans cette époque de frénésie consumériste, vaut vraiment la peine d’être recherché. Petits malins. Seulement, Il va falloir payer pour y arriver. Aboule le fric, le flouze, les pépètes, les biftons, le beurre, les sousous, le blé, l'oseille, les thunes, la monnaie, le cacheton sinon t'es tricard bâtard ruiné ! Tu me suceras la bite prieras pour que je t'aide…
– ℹ Intermède utopique.
1/ Notations et hypothèses de base
- Soit
W_totalla richesse totale du monde. - Soit
W_1%la richesse détenue par les 1 % les plus riches. - Soit
W_restela richesse détenue par les 99 % restants. - Ruissellement ® : Une fraction de l'investissement réalisé par les 1 % des plus riches est supposée se diffuser (ou ruisseler) vers l'ensemble de la population, augmentant la richesse de
W_reste.
L'idée du “ruissellement” est d'ajouter un facteur ® (le “pourcentage” de l'investissement initial qui est redistribué) qui impacte positivement la richesse des 99 % restants. Ce facteur est une hypothèse, car dans la réalité, le ruissellement est souvent plus faible que prévu.
2/ Richesse totale
La richesse totale W_total est la somme de la richesse des 1 % et des 99 % :
W_total = W_1% + W_reste
3/ Richesse des 1 %
On nous dit que les 1 % des plus riches détiennent deux fois plus que les 6,9 milliards de personnes restantes, donc :
W_1% = 2 × W_reste
4/ Impact du ruissellement ®
Une fraction de la richesse des 1 % va se diffuser vers les 99 % via des investissements (qu'ils soient sous forme d'emplois, de salaires, ou de bénéfices dans les entreprises, etc.). Cette fraction est ®.
Ainsi, la richesse des 99 % est augmentée par ce ruissellement :
W_reste + ® = W_reste + (® × W_1%)
5/ Richesse totale après ruissellement
La richesse totale W_total devient donc :
W_total_avec_® = W_1% + W_reste_avec_®
= 2 × W_reste + (® × 2 × W_reste)
= W_reste × (2 + 2®)
6/ Calcul de la part des 1 % après ruissellement
Maintenant, pour calculer la part des 1 % dans la richesse totale W_total_avec_®, nous avons :
Part_1% = W_1% / W_total_avec_®
= (2 × W_reste) / (W_reste × (2 + 2®))
= 2 / (2 + 2®)
= 1 / (1 + ®)
7/ Conversion en pourcentage
Enfin, pour exprimer la part des 1 % en pourcentage, nous multiplions par 100 :
Part_1%_en_pourcentage = (1 / (1 + ®)) × 100
Conclusion
La formule montre que la part des 1 % dans la richesse totale dépend de l'effet de ruissellement ®. Plus ® est élevé, plus la richesse des 99 % augmentera grâce aux investissements des 1 %, et plus la part des 1 % diminuera en pourcentage. En revanche, si l'effet de ruissellement est faible (c'est-à-dire si ® est petit), la part des 1 % restera proche de sa valeur initiale et finira par augmenter proportionnellement (Omettons les intérêts). Si l'on suppose que l'effet de ruissellement ® est de 0,5 (c'est-à-dire que 50 % de la richesse des 1 % ruisselle vers les 99 %), la formule devient :
Part_1%_en_pourcentage = (1 / (1 + 0,5)) × 100
Part_1%_en_pourcentage = (1 / 1,5) × 100
Part_1%_en_pourcentage = 66,67 %
Ce qui reste tout de même extrêmement élevé relativement à la richesse totale…vous en conviendrez sauf si vous êtes dans les 1% de mes lecteurs qui n’existent pas. Chanceux que vous êtes. La redistribution est-elle la solution ?
Oui, la redistribution des richesses peut être une solution pour réduire les inégalités et permettre une croissance plus juste et plus inclusive. Mais elle ne peut pas être la seule réponse. Elle doit être accompagnée d’un changement structurel, comme une économie plus verte et plus inclusive, des systèmes éducatifs et de santé universels, et un modèle d'investissement qui profite à tous.
La redistribution efficace repose également sur un engagement politique fort et une volonté collective de transformer les systèmes économiques actuels. À qui ça profite ? À tout le monde. Est-ce que ça intéresse les gens ? Oui. Est-ce que c’est dans l’intérêt de ceux qui nous dirigent en sous-main ? On vient de me tendre une valise de billets pour que je me taise. C’est bizarre, je n’ai plus envie d’en parler. Dingue non ? […]
– ℹ Vous pouvez bien reprendre une activité normale mais vous n’y arriverez pas. Jamais même. Bon courage.
Les économies du monde se jouent de nous comme un balancier, oscillant entre la crainte du manque et l’illusion de l’abondance. Être économe, c’est prendre soin de ce qui nous est donné, réfléchir à l’usage que nous en faisons, mais ne pas oublier que l’économie, dans son sens noble, provient d’ « oikos », la maison, le foyer. Cependant, qu’en est-il du radin, cet être qui amasse, serrant son argent comme un talisman contre les incertitudes de la vie ? La prudence ? Ou l’avidité déguisée ? Un sou est un sou, et chaque centime est une victoire contre la démesure, contre cette société qui nous pousse à consommer sans fin. Pourtant, être économe ne consiste pas à vivre comme un panier percé, tout comme être radin ne doit pas devenir une quête d’accumulation sans but. La véritable question qui se pose n’est pas tant l’argent lui-même, mais l’usage que nous en faisons, et si cet usage nourrit ou ruine l’harmonie du monde.
Et alors, une écologie de l’économie, telle une feuille d’érable tombant en silence dans une forêt tranquille, pourrait-elle émerger ? Une économie où l’on ne serait pas pris dans le cercle vicieux de la production incessante et de la consommation égoïste, mais une économie qui respecte les ressources et qui nourrit l’humain dans sa quête de sens. La philanthropie, comme un baume sur les plaies du monde, pourrait-elle remplacer la Chr?matophilie – cette amour immodéré de l’argent, ce culte de l’or qui ravage l’âme et abîme la vie ? Oui, la bigoudènerie moderne, cette frénésie de l'accumulation, fait des ravages. On voit ces doigts crochus, ces nez crochus qui s’allongent et se tendent vers l’abondance, tendus, comme des rapaces, sans jamais pouvoir se satisfaire.
Il y a quelque chose d’alchimique dans cette quête. L’or, jadis symbole de richesse infinie, est devenu l’idéal du capitalisme, un miroir d’illusion. Mais est-ce de l’alchimie ou de la magie noire ? Zosime de Panopolis, alchimiste antique, aurait pu en dire long sur cette quête, lui qui cherchait la pierre philosophale, capable de transmuter le plomb en or. Tout comme ces physiciens du CERN, qui ont réussi à transformer du plomb en or… mais pour une fraction de seconde, un instant fugace dans l’univers, aussi éphémère que l'espoir d’une véritable transformation du monde. L'alchimie, c'est fini. L’or n’est qu’une illusion, l’illusion du bonheur par l'accumulation. Utopie dorée…(Va te faire voir chez les Grecs).
Et alors que les élites économiques et politiques se rassurent sur leur pouvoir en observant les milliards qu’elles engrangent, la réalité est bien plus sordide : les 1 % les plus riches détiennent 66,67 % des richesses mondiales. Ils détiennent tout, ou presque, à l’exception de la liberté des autres, cette liberté que l’argent a fait s'éclipser. Et c’est ici qu’intervient la réflexion plus large, qui met en lumière les paradoxes d’un monde où le prêt, souvent, devient une forme de dépendance. Les banquiers, ceux qui prêtent aux “sans-dents” pour qu’ils puissent sourire un peu, n’ont-ils pas tout compris ? Les pauvres, les démunis, à force de vouloir acquérir un peu de dignité, se retrouvent eux aussi piégés dans ce système. Ce sourire de façade, ce masque de bien-être, est payé par des dettes qui n’en finissent plus de croître vu le prix de leurs implants, de leurs bridges et de leurs couronnes en céramique…Il faut de tout pour faire un monde, nous l’avons déjà esquissé ce tableau. Une peinture bien trop réelle de la nécessité de l’existence du pauvre dans nos sociétés, pour permettre son aliénation et alimenter le cycle de la vie économique puis de la vie tout court. Pour les pauvres hip hip hip…
Et dans cette course sans fin, dans cette quête effrénée de l’or, ce sont les plus vulnérables qui se retrouvent piégés, asphyxiés par un système qui leur offre des miettes en échange de leur liberté. L’économie n’est-elle pas devenue un théâtre de fictions ? La véritable richesse, celle qui échappe à la matérialité, semble se dérober dans les mailles du filet économique. Il y a, certes, des hommes et des femmes qui croient encore que l'on peut transformer le plomb de la pauvreté en or de l’abondance. Mais tout comme l’alchimiste qui perd son âme dans sa quête de la pierre philosophale, le capitalisme perd son humanité en cherchant à monétiser chaque souffle de vie perdue d’avance.
Derrière cette façade brillante d'or et de crédit, c'est une société qui s’effondre sous le poids de ses contradictions : la quête d’immédiateté, la surconsommation, l’individualisme exacerbé. Nous sommes tous, à des degrés divers, alchimistes dans cette grande quête de l’or, pensant que posséder, avoir, accumuler nous rendra plus heureux. Et c’est le cas, n’ayons pas peur de le dire. Mais dans cette danse de l'argent, nous oublions que ce n’est pas l’abondance qui nous rend riches, mais la manière dont nous partageons, dont nous donnons, dont nous vivons. L’espoir renait, je me sens déjà beaucoup plus heureux et ça ne m’a pas couté plus cher ! Car oui, l’argent travaille lui aussi, il se prive de sa propre liberté…il génère des intérêts. Sur le dos de qui ? Peu importe, on a aidé tout le monde.
Enfin, le principe fondamental de l'alchimie, celui de la transformation intérieure, pourrait-il s’appliquer à nos sociétés contemporaines ? Ne serait-il pas temps d’accepter que l’or, comme symbole, ne soit qu’un leurre, une illusion ? Peut-être la vraie richesse réside-t-elle dans la capacité à se libérer de l’argent comme seul critère de valeur, et à voir dans chaque échange, dans chaque geste, dans chaque acte de générosité, une forme de “transmutation” de notre époque. Peut-être que, tout comme l’alchimiste Zosime, il nous faut chercher non la transformation du plomb en or, mais celle de l'indifférence en solidarité, du désir de posséder en partage, du rêve d’immédiateté en sagesse durable.
Comment ne pas penser à cet exemple contemporain qu’est la “GemÖk” ou “Gemeinsame Ökonomie” (économie commune) comme une autre épopée hippie à rebours de l’économie établie ? Une économie où le collectif prends le pas sur l’avidité individuelle. Cela peut-il fonctionner ? À quelle échelle ? Pour combien de temps ? N’est-ce pas ce que le communisme proposait déjà en son temps en éludant les purges, le goulag et le rideau de fer ? N’est-ce pas sur ce modèle collectif d’après guerre que s’est reconstruite la France dopée d’un plan Marshall ? L’entraide a ses limites tout comme la recherche alchimique. Ils ont trouvé la formule parce qu’ils ne sont pas pauvres et qu’on leur a prêté beaucoup d'argent, mais cette formule elle ne rapporte rien pour l'instant. C’est cela l’investissement. Ça rapportera peut-être plus tard, de l’or pour les braves…Mais quelque chose me fait penser qu’ils vont chercher longtemps et que nous on aura trouvé le repos éternel et pas la pierre philosophale…
Nota bene : Encore un texte sur l'argent, bon dieu ! Mais c'est une obsession chez vous ? Vous ne pouvez pas vous arrêtez d'y penser à l'argent ? Mais il faut qu'il récupère cet argent ! Tout le temps à virer de ci, de là, en transfert permanent, parfois à découvert en plus ! Tout nu ! Laissez-le se reposer pour qu'il travaille mieux, ce sont vos intérêts enfin ! Espèces d'alchimistes !
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